Avant 1900

2024 | REGROUPEMENT PSYCHOLOGUES MONTRÉAL

préhistoire de la psychanalyse

Freud en compagnie de Fliess, Breuer et Charcot

Avant les années 1900

Avant 1900, la psychanalyse en tant que théorie et pratique structurée n'existait pas encore de manière officielle. Les fondations de ce qui allait devenir la psychanalyse étaient néanmoins en cours d'élaboration, principalement par Sigmund Freud (1856-1939). Cependant, si Freud est incontestablement le père de la discipline psychanalytique, il a bénificé du concours de trois importants collaborateurs qui l’ont orienté dans ses premiers pas à la découverte de l’inconscient.

Jean-Martin Charcot

Dans les années 1880 et 1890, Freud, neurologue de formation, s'intéressait au traitement des troubles mentaux. Il a commencé par explorer l'hypnose sous l'influence de Jean-Martin Charcot (1825-1893), un neurologue français basé à la Salpêtrière, à Paris.

La relation entre Jean-Martin Charcot et Sigmund Freud est une partie cruciale de l'histoire de la psychanalyse. Elle illustre l'influence significative que Charcot, un éminent neurologue français, a exercée sur le jeune Freud, qui était alors en quête d'une orientation pour sa carrière médicale.

En 1885, Freud obtint une bourse pour étudier à Paris, où il rejoignit la Salpêtrière, l'hôpital dirigé par Jean-Martin Charcot. À cette époque, Charcot était au sommet de sa carrière, reconnu mondialement pour ses travaux sur l'hystérie et l'utilisation de l'hypnose dans le traitement des troubles nerveux. Charcot avait démontré que l'hystérie pouvait avoir des origines psychologiques plutôt que physiologiques, ce qui remettait en question les idées reçues à l'époque.

Freud passa quatre mois à la Salpêtrière, et cette expérience fut déterminante pour la suite de sa carrière. Observant Charcot à l'œuvre, Freud fut particulièrement impressionné par la manière dont Charcot utilisait l'hypnose pour traiter l'hystérie, et par sa capacité à produire et à soulager les symptômes hystériques par suggestion hypnotique. Freud voyait en Charcot un modèle de rigueur scientifique, d'ouverture intellectuelle, et d'innovation clinique.

L'influence de Charcot sur Freud fut plurielle. D'abord, elle ancrât en lui la conviction que les troubles psychiques pouvaient avoir des racines dans l'esprit plutôt que dans le corps, posant ainsi une première pierre à la théorie de l'inconscient. Par ailleurs, l'exposition de Freud à l'hypnose sous la tutelle de Charcot amena d’abord Freud à chercher à guérir les malades nerveux par l’hypnose. De retour à Vienne, il s’associa ensuite à un autre neurologue avec qui il continuerait d’explorer l’hystérie.

Josef Breuer

Freud s'est ensuite associé au médecin et physiologiste autrichien Josef Breuer (1842-1925). Celui-ci travaillait aussi avec des patientes hystériques et avait développé une méthode qui impliquait de permettre aux patients de parler librement de leurs symptômes et de leurs expériences passées. Cette libre parole pouvait, selon Breuer et éventuellement selon Freud, conduire à un soulagement émotionnel et à la guérison des troubles psychiques.

L'une de ses patientes les plus célèbres, connue dans les annales de la psychanalyse sous le nom de Bertha Pappenheim (mais mieux connue sous le pseudonyme de "Anna O."), souffrait de symptômes hystériques complexes. Breuer découvrit que lorsqu'elle lui parlait de ses expériences et de ses sentiments, ses symptômes semblaient s'atténuer ou disparaître. Ce processus, que Pappenheim elle-même a appelé "la cure par la parole", a posé les bases de ce qui allait devenir plus tard la technique psychanalytique.

Freud, passionné par les idées de Breuer, a commencé à travailler avec lui. Ensemble, ils ont exploré davantage cette méthode de traitement, concentrant leur attention sur l'idée que les souvenirs refoulés de traumatismes antérieurs pouvaient être la cause de troubles hystériques. Leur collaboration a culminé en 1895 avec la publication de "Études sur l’hystérie", qui exposait leurs travaux et théories conjoints. C’est dans cet ouvrage que Freud écrira la formule célèbre : « c’est de réminiscences que souffrent les hystériques »

Cependant, malgré le succès initial de leur collaboration, Freud et Breuer ont finalement eu des divergences fondamentales sur l'interprétation et le traitement de l'hystérie. Déjà en 1895, Breuer se montrait mal à l'aise avec l'accent que Freud commençait à mettre sur la sexualité dans l'étiologie des névroses, et a choisi de s’éloigner de Freud et de ses théories. Celui-ci, de son côté, a continué à développer ses idées, ajoutant des concepts tels que le complexe d’Œdipe et le rôle de la libido, ce qui a élargi le fossé entre lui et Breuer.

Malgré leur séparation, l'influence de Breuer sur Freud est indéniable. L'approche initiale de Breuer concernant la cure par la parole et son utilisation de l'hypnose ont jeté les bases de la technique psychanalytique de la libre association, qui est toujours un élément central de la pratique psychanalytique. De plus, leur collaboration sur "Études sur l’hystérie" est souvent considérée comme le début officiel de la psychanalyse comme champ d'étude.

Wilhelm Fliess

Sigmund Freud rencontra Wilhelm Fliess (1858-1926) dans les années 1880, suite à l'intérêt commun pour leurs travaux scientifiques. Freud, qui travaillait alors à Vienne sur des sujets liés à la neurologie et à la psychologie, cherchait des collègues partageant des intérêts similaires pour échanger des idées et développer ses théories. Wilhelm Fliess, basé à Berlin et spécialisé en oto-rhino-laryngologie, s'intéressait également à des questions psychologiques et biologiques, notamment à ses théories sur les cycles biologiques et la bisexualité.

Leur rencontre fut facilitée grâce à la correspondance. Freud fut impressionné par les travaux de Fliess et décida de lui écrire une lettre en 1887 afin de discuter de leurs intérêts communs. Cette première prise de contact a marqué le début d'une correspondance intense et régulière qui s'étalera sur plus d'une décennie. Cette période de communication et d'échanges intellectuels a été extrêmement fructueuse pour les deux hommes, contribuant au développement de leurs travaux respectifs.

Fliess et Freud ont partagé non seulement une relation professionnelle, basée sur l'intérêt mutuel pour les questions scientifiques, mais aussi une amitié profonde qui a eu une influence considérable sur l'évolution des pensées de Freud, et notamment dans le développement de ses idées qui ont conduit à l'écriture de "L'Interprétation des Rêves" (1900), une œuvre fondamentale de la psychanalyse.

Fliess et Freud entretenaient une correspondance dense et fréquente, dans laquelle ils partageaient leurs découvertes et hypothèses respectives. Cet échange nourrissait leur réflexion et stimulait l'avancement de leurs travaux. L’envie de Freud de formaliser ses idées pour les présenter à Fliess a poussé ce dernier à préciser sa pensée sur l’inconscient et le rêve.

Fliess a développé des théories sur les périodes biologiques et la sexualité, notamment le concept de bissexualité (l'idée que chaque individu possède des caractéristiques masculines et féminines) et les "rythmes biologiques" qui influenceraient la santé. Bien que Freud ne reprenne pas directement ces idées dans "L'Interprétation des Rêves", l'insistance de Fliess sur l'importance biologique et sexuelle dans la psyché a certainement contribué à façonner la pensée de Freud sur les rêves comme réalisations de désirs refoulés, souvent d'ordre sexuel. De plus, même si la bisexualité psychique n’est pas tellement développée comme thème dans cet ouvrage, Freud reprendra ce thème abondamment dans sa théorisation ultérieure.

L'influence de Fliess est également perceptible dans le développement par Freud de la notion de refoulement, qui est centrale dans "L'Interprétation des Rêves". Le dialogue avec Fliess a aidé Freud à conceptualiser comment les désirs inacceptables pour le moi conscient pouvaient être refoulés dans l’inconscient et se manifester à travers les rêves.

Outre les théories de Fliess, son rôle de confident et de soutien intellectuel a été crucial pour Freud durant ses années de recherche et d’écriture de "L'Interprétation des Rêves". Leur amitié a donné à Freud la confiance et le cadre nécessaire pour explorer des idées novatrices et souvent controversées qui allaient à l'encontre de la science de l'époque.

Néanmoins, il est important de noter que la relation entre Freud et Fliess s'est refroidie au fil du temps, en partie à cause de désaccords scientifiques et personnelles. Mais l'impact de leur collaboration dans les années formatives de Freud reste indéniable, contribuant significativement aux fondations de la psychoanalyse.

Ensemble, l'influence intellectuelle de Charcot, de Breuer, et de Fliess a aidé Freud à développer les fondations de ce qui deviendra la psychanalyse, notamment à travers une compréhension plus profonde de l'inconscient, de l'importance de la sexualité, et du pouvoir thérapeutique de la parole. Avant 1900, ces interactions ont conduit Freud à publier des travaux importants qui ont posé les bases pour ses contributions futures à la psychologie.

Martin Belzile, D.Ps., psychologue

Martin est psychologue à Montréal. Depuis 2015, il y pratique la psychothérapie. Actuellement, Dr Belzile travaille auprès d’hommes et de femmes qui présentent des difficultés au plan de l’estime de soi, de la gestion de la colère, des symptômes dépressifs et anxieux et de la gestion de la douleur. Il pratique également la thérapie de couple.

Écrire un commentaire

* champs requis